«La communication est le b.a.-ba»
En 2016, l’entreprise technologique Evatec saute le pas en fondant deux succursales en Asie du Sud-Est. Andreas Wälti, CEO, parle des spécificités culturelles et de l’importance de la communication.
Dans les laboratoires d’Evatec, situés à Trübbach (SG), l’ambiance est à la fois concentrée et bouillonnante. L’entreprise suisse est spécialisée dans le développement, la production et la vente mondiale d’installations high-tech dans le domaine de la technologie des couches minces, notamment pour le revêtement des composants de smartphones, de semi-conducteurs ou de LED. Sur demande, Evatec développe en outre de nouveaux processus pour des produits sur mesure.
Les consignes de sécurité et d’hygiène sont donc d’autant plus pointues. Les visiteurs ne peuvent accéder aux sites de recherche qu’étant accompagnés et en portant des vêtements de protection. Notre photographe ne pouvait pas immortaliser tout ce qu’il voulait. L’atmosphère demeure malgré tout sereine. Une grande partie des 267 collaborateurs du siège habitent dans la région, l’attachement à l’entreprise est profond et les contacts mutuels étroits.
C’est précisément cette culture d’entreprise suisse que le CEO, Andreas Wälti, et le CTO, Marco Padrun, souhaitent établir dans les activités d’Evatec à l’étranger. Le cap de l’exportation se dessinait dès les débuts. En effet, la part des installations implantées à l’étranger a toujours avoisiné les 98%.
Dans les années 2000, Evatec misait sur des partenariats en Allemagne et aux États-Unis, tandis que la société coopérait avec des agents en Asie. Ces derniers travaillaient généralement pour plusieurs entreprises et opéraient selon une planification à court terme. Les agents investissaient les ressources là où ils pouvaient dégager du bénéfice le plus rapidement possible, se souciant peu des intérêts respectifs. «Au gré de notre croissance et de l’intensification de la concurrence, nous avons réalisé que nous devions nous rapprocher du client. Et ce, avec notre propre personnel», explique Andreas Wälti. L’objectif étant de profiter d’informations plus rapides et non filtrées, tout en collaborant plus durablement et plus étroitement avec les mandants. «Nous privilégions des collaborateurs travaillant exclusivement pour nous et concentrés sur Evatec», ajoute le CEO.
Expansion vers l’Asie du Sud-Est
Expansion vers l’Asie du Sud-Est
En 2016, les agents asiatiques ont ainsi été remplacés lors de la création des deux premières succursales à l’étranger. Les implantations à Singapour, en Malaisie, en Chine et au Japon sont des filiales juridiquement indépendantes, tandis que celle de Taïwan est une succursale d’Evatec. Le développement, la production et le montage sont maintenus en Suisse.
L’Asie du Sud-Est est une région dont les marchés en plein essor affichent une croissance supérieure à celle de la Chine. Son demi-milliard d’habitants fournit non seulement une main-d’œuvre bon marché, mais également une classe moyenne grandissante aux exigences occidentales. Cette donne devrait encore s’intensifier ces 20 prochaines années et offrir un potentiel prometteur aux entreprises suisses.
Pour réussir dans ces pays, les entreprises doivent tenir compte de certaines spécificités culturelles. À l’instar de la Chine, les partenaires de négociation ne doivent en aucun cas perdre la face, les tactiques de négociation ou la ponctualité à l’occidentale ne fonctionnent pas. Par ailleurs, plusieurs meetings sont nécessaires pour établir une base de confiance.
Quand Evatec s’implante en Asie du Sud-Est, l’entreprise profite du fait qu’elle était déjà active et connectée dans la région. Via des contacts privés, Andreas Wälti et Marco Padrun rencontrent un expert taïwanais qui les soutient dans le développement des nouveaux sites. Le manager asiatique connaît l’Occident par cœur, maîtrise les deux codes culturels et peut ainsi neutraliser les éventuels obstacles. «Cette base nous a permis d’éviter les impairs et les erreurs qui auraient pu nous causer des problèmes à long terme», souligne Andreas Wälti.
Monnaie volatile
Evatec opte pour un début en douceur. La création des entreprises est le fait d’une entité de consulting internationale. Pour le financement, la société mise sur la banque maison suisse présente à Singapour, UBS, qui gère tous les comptes et prend en charge la couverture de change.
Les fondateurs d’Evatec connaissent leur première grosse frayeur lors de l’entrée sur le marché malaisien. Du jour au lendemain, le gouvernement décide que le commerce s’effectuerait dorénavant dans la monnaie nationale, le ringgit. «Chose insolite et inexplicable pour nous», avoue le CEO. Les jeunes entrepreneurs suisses n’ont pas d’autre choix que de se plier aux consignes et de vendre leurs pièces de rechange en ringgit. Heureusement, le commerce de machines entières importées en monnaies étrangères n’en est pas affecté.
«Quand on opte pour l’exportation, il faut respecter les lois en vigueur dans les pays respectifs», souligne Andreas Wälti. En matière fiscale, les fondateurs d’Evatec engagent, pour chaque marché, des sociétés de conseil spécialisées qui élaborent des solutions optimales pour leur entreprise. «Dans les affaires internationales, il s’agit toujours de voir comment et où les bénéfices sont réalisés. Nous souhaitons montrer patte blanche à cet égard.»
Afin de pouvoir s’implanter rapidement et aisément en Asie du Sud-Est, Evatec loue des «shared offices», soit des locaux commerciaux où toute l’infrastructure – des téléphones aux salles de réunion – est déjà installée. Contrairement à d’autres entreprises occidentales, Evatec recrute dès le début des collaborateurs locaux, afin d’éviter les barrières linguistiques et culturelles envers les clients. À ce titre, le CEO est surpris de constater combien de personnes étaient prêtes à travailler pour une nouvelle société suisse à peine connue dans la région.
Formation en Suisse
L’ensemble du personnel Evatec asiatique s’envole pour Trübbach afin d’y suivre une formation produit de trois mois. Comme Singapour et la Malaisie sont des pays multiculturels où le contact avec des groupes différents de population fait partie du quotidien, le séjour se passe sans frictions religieuses ni culturelles. Le perfectionnement est poursuivi en Asie par des spécialistes suisses, tandis que les nouveaux collaborateurs ont la possibilité d’améliorer leur anglais en suivant des cours en ligne. Les salaires et les prestations sociales sont conformes aux usages locaux et non pas suisses.
Rétrospectivement, Andreas Wälti aurait souhaité investir plus de temps dans la formation des nouvelles recrues, notamment en ce qui concerne les compétences linguistiques et la formation sur le site de Trübbach. «Douze semaines en Suisse ne suffisent pas pour permettre aux employés de se faire des collègues et des amis suisses qu’ils peuvent également appeler en cas de questions.» Dans leur pays, ils ne travaillent pas forcément dans un environnement où le savoir-faire est disponible d’emblée et où l’on peut simplement s’adresser à un collègue expérimenté.
Pour ce qui est de la communication, il a fallu expliquer au personnel que l’anglais était une langue étrangère pour les deux parties communiquant, mais qu’il était possible d’éviter les malentendus en utilisant des phrases courtes et sans fioritures. «La communication est le b.a.-ba», souligne Andreas Wälti.
Succursales supplémentaires
Une année après Singapour et la Malaisie, Evatec ouvre une filiale en Chine et une succursale à Taïwan. Depuis 2018, la société est en outre présente au Japon. Sur ces marchés, elle sollicite également le soutien d’intermédiaires locaux au fait des spécificités culturelles et légales. Le régime juridique est souvent très complexe. Les connaissances des autochtones sont essentielles afin d’analyser la situation et de s’y prendre correctement pour développer les affaires.
La bienséance et les mentalités changent également d’un pays à l’autre. «En Chine, une réunion peut sans autre devenir bruyante. Cela est tout à fait normal et vite oublié. Au Japon, les partenaires commerciaux sont très polis et fiables, mais il s’agit de respecter à la lettre certains processus décisionnels», ajoute Andreas Wälti.
Tous les sites en Asie sont des unités de vente ou de service. Malgré la perspective de subventions, Evatec ne souhaite pas délocaliser la production à l’étranger. Les installations sont relativement complexes, et la société souhaite garder le savoir-faire en Suisse. «Nous estimons que, d’un point de vue tarifaire, la production dans un pays bon marché n’en vaut pas la peine dans le secteur de la mécanique de pointe», explique le CEO. Pas plus que la construction de propres locaux en Asie. Dans l’intervalle, Evatec a pourtant quitté les «shared offices» pour s’installer dans des bureaux loués.
Scénario catastrophe
Le pas vers l’étranger s’est avéré payant pour Evatec. L’entreprise continue son expansion sans accuser de revers notables. Malgré tout, Andreas Wälti et Marco Padrun ont toujours eu une stratégie de repli à portée de main. «Nous avons sérieusement réfléchi à ce que nous ferions si cela tournait au fiasco. Dans ce cas, nous retournerions au système initial d’agents.» Sur le marché japonais, traditionnellement difficile pour les sociétés occidentales, Evatec a déjà assuré ses arrières, puisqu’elle coopère avec un agent en plus de sa propre société avec des employés locaux. En fonction de l’évolution que prendront les affaires, il s’agira de privilégier l’un ou l’autre modèle.
Pour Andreas Wälti, l’un des temps forts du processus d’expansion a été le moment où les premières commandes sont entrées via leur propre canal. Ou encore la placidité des collaborateurs malaisiens lorsque les premiers salaires ont été versés avec quelques jours de retard en raison d’un dysfonctionnement technique auprès d’une banque locale. Mais ce qui fait la plus grande joie du CEO est le fait que les employés des unités étrangères vivent aujourd’hui la culture d’entreprise suisse et s’identifient à Evatec.
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