Comme le dit le proverbe, il faut être deux pour danser le tango. Si on le transpose à un portefeuille équilibré, on peut penser que si l’un des danseurs fait une piètre performance, l’autre peut prendre les choses en main et sauver le spectacle.


Mais en 2022, le spectacle a déçu les investisseurs la moitié du temps, avec des actions et des obligations qui ont chuté à l’unisson six mois de l’année. La volatilité des taux a fortement pesé sur la performance des marchés des actions et des obligations. À noter que le plus bas atteint par le marché des actions a coïncidé avec un pic de la volatilité des taux (si l’on se réfère à l’indice MOVE) comparable aux niveaux de 2009.


L’année 2023 a démarré sur les chapeaux de roue, les actions mondiales progressant de 7,2% en valeur absolue, contre 2,3% pour les obligations. Les actions comme les obligations se sont inscrites en hausse à la faveur des espoirs en la capacité de la Fed à réussir un atterrissage en douceur et en un plafond des taux autour de 5%.


La musique de 2022 a toutefois repris le dessus en février. Un rapport sur l’emploi stratosphérique aux États-Unis, avec 517 000 nouveaux emplois créés, soit un niveau plus de deux fois supérieur aux prévisions, a montré des tensions extrêmement fortes sur le marché de l’emploi américain. Pour ceux qui avaient encore des doutes quant aux répercussions de ces chiffres sur l’inflation, les indicateurs de janvier, l’inflation IPC et l’inflation PCE, le baromètre préféré de la Fed, ont dépassé les attentes (IPC de 6,4% en glissement annuel par rapport aux 6,2% prévus, PCE de 5,4% en glissement annuel par rapport aux 5% estimés).


Selon les chiffres publiés cette semaine, la composante des prix payés de l’indice ISM a bondi, passant de 51,3 points à 44,5. Les responsables de la Fed ont également tenu un discours favorable à un resserrement. Le président de la Réserve fédérale d’Atlanta, Raphael Bostic, a fait ressurgir le spectre de la «grande inflation» des années 1970. «L’histoire nous a appris que si nous lâchons prise sur l’inflation avant d’être parvenus à la maîtriser suffisamment, elle pourrait flamber à nouveau, (...) C’est ce qui a abouti au scénario catastrophique que nous avons connu dans les années 1970.» Il a fait remarquer que la Fed avait commis l’erreur d’assouplir trop tôt; il a fallu environ 15 ans pour reprendre le contrôle de l’inflation et ce, seulement après que le taux des fonds fédéraux a atteint 20%.


Les marchés tablent désormais sur un pic de 5,5% en septembre, contre 4,9% début février. Un changement de cap de la Fed semble en revanche peu probable. Le graphique ci-dessus nous montre deux choses: premièrement, les corrélations n’ont cessé de s’accroître depuis 2022, et deuxièmement, la hausse des corrélations était étroitement liée aux anticipations concernant les taux. Alors que les investisseurs revoyaient leurs prévisions de taux (au jour le jour), car ils considéraient que l’inflation resterait élevée, les corrélations entre les actions et les obligations se sont également accrues. Historiquement, les corrélations tendent à augmenter avec l’inflation. La hausse de l’inflation et des taux pénalise tout autant les actions que les obligations. Les cash flows futurs des entreprises sont actualisés à un taux plus élevé, et les cours des obligations baissent à mesure que les taux augmentent. C’est le pire des «spectacles» possibles pour les investisseurs.


Les investisseurs doivent donc se montrer plus sélectifs dans le choix des «danseurs», mais ils ont aussi besoin de plus de danseurs.


Nous recommandons d’opter pour une approche sélective à l’égard des actions comme des obligations. Parmi les actions, nous recommandons de ne pas se limiter aux actions américaines et de croissance, qui sont très exposées à la hausse des taux américains. Nous conseillons d’investir, par exemple, dans les secteurs value, notamment l’énergie, qui tend à surperformer les actions de croissance lorsque l’inflation s’installe dans la durée.


Du côté des obligations, la clé est d’être sélectif. La volatilité des taux restera importante en raison de l’incertitude qui entoure les taux directeurs aux États-Unis et ailleurs. Les perspectives d’évolution des rendements des obligations de grande qualité semblent plus intéressantes que celles des obligations plus risquées, car les seuils de rendement peuvent limiter les éventuelles pertes liées à l’évolution de la valeur de marché. Les prix des obligations les mieux notées sont généralement soutenus par la baisse des rendements des emprunts d’État dans les périodes de récession, ce qui
fait plus que compenser l’impact de la hausse des écarts de crédit.


Sachant qu’il faut plus de danseurs pour que la diversification porte ses fruits dans un environnement de marché changeant et incertain, les portefeuilles doivent également comprendre des hedge funds qui offrent des sources décorrélées et peuvent mettre en œuvre des stratégies différentes à même de générer des rendements attrayants, quelles que soient les conditions de marché.


Il faut danser avec la musique