Investir dans un contexte de taux bas
(Bild: Illustration Alexander Glandien)

Le marché du placement d’argent s’apparente à une vaste foire: des prestataires de produits financiers et d’objets d’investissement attirent le chaland avec des prospectus en papier glacé et la promesse de «rendements intéressants». Souvent, ils présentent, savants modèles de calcul à l’appui, l’évolution de la performance de leurs stratégies de placement et ce que l’on est en droit d’en attendre. Une toute autre question est de savoir si l’évolution passée du cours et de la valeur est le fruit du modèle utilisé ou plutôt celui du hasard, ou encore de savoir s’il est possible de l’extrapoler. En effet, depuis un certain temps déjà, les cours des marchés financiers dépendent davantage des politiques de relance monétaires mises en œuvre par les grandes banques centrales que d’autres facteurs.
 

Distorsion des marchés
 

Ne serait-ce que ces derniers jours, la baisse des taux d’intérêt en Chine, la réticence marquée de la Réserve fédérale à relever ses taux et l’approche monétaire plus offensive de la Banque centrale européenne ont provoqué une progression des cours des actions, fait tomber les rendements à des niveaux record en Europe, affaibli l’euro et renforcé les monnaies des pays émergents. Dans de telles phases, les investisseurs reprennent goût au risque et se laissent tenter par des valeurs présentant les leviers spéculatifs les plus importants. La valeur de ces titres, c’est-à-dire la qualité des bilans des entreprises concernées, est souvent d’importance secondaire pour les investisseurs orientés sur le négoce.

Rien d’étonnant donc à ce que des vétérans de l’investissement comme Paul Wooley se désolent du fait que le secteur de la gestion de fortune a la vue aussi courte. Selon lui, cette vision à court terme serait responsable de la formation périodique de bulles boursières et de leur éclatement. La théorie, dit-il, qui repose sur l’hypothèse de marchés «efficients» et autostabilisants, ne suffit pas à expliquer ces phénomènes. Les stratégies de placement éphémères et les objectifs de rendement à long terme se contredisent mutuellement, explique P. Wooley. Il recommande aux investisseurs de miser sur des actions de valeur, d’éviter les instruments de placement peu transparents ou exotiques et de maintenir aussi bas que possible les commissions de gestion et les frais de négoce. Pour Jeremy Grantham, cofondateur de la société de gestion de fortune GMO de Boston, l’élément central est la valorisation. Il n’existe pas, selon lui, de formes de placement «intrinsèquement exceptionnelles», mais uniquement des valeurs mobilières et des classes d’actifs disponibles à un moment donné à un prix intéressant par rapport aux revenus attendus.

Les spécialistes de son établissement analysent régulièrement les ratios de différentes classes d’actifs et essaient de déterminer, sur la base de leur expérience passée, l’évolution que les cours pourraient suivre au cours des sept prochaines années. Actuellement, ils estiment que les marchés des valeurs mobilières sont, dans leur majorité, surévalués et ils ne voient d’opportunités d’achat relativement bon marché que dans les actions de groupes américains aux bilans de qualité, dans les grandes entreprises internationales et dans des entreprises triées sur le volet des pays émergents.

Actions américaines surévaluées
 

Norbert Keimling, de la société de direction de fonds Starcapital, partage cet avis. Selon lui, les valeurs mobilières des sociétés américaines sont à éviter, car fortement surévaluées. Il en veut pour preuve le ratio CAPE, développé par le prix Nobel Robert Shiller pour l’évaluation des actions: s’inscrivant à 23, le CAPE est supérieur d’environ 40% à sa moyenne historique. Au cours des 130 dernières années, de telles surévaluations n’ont été observées qu’en 1901, 1928, 1965 et après 1996. Durant toutes ces périodes, l’indice S&P 500 a atteint des niveaux record, suivis par des phases de performance boursière faible ou inférieure à la moyenne. D’autres ratios représentatifs, notamment le ratio cours/valeur comptable ou le ratio Q de Tobin, indiquent que la Bourse américaine est surévaluée de 30% à 40%. Rarement ce marché a été aussi cher par rapport à d’autres marchés qu’il ne l’est aujourd’hui. Les valorisations élevées sont annonciatrices de faibles rendements à venir et le risque de perte est élevé, explique N. Keimling.

Opportunités anticycliques
 

Il ajoute que les investisseurs anticycliques ont davantage intérêt à se tourner vers des marchés et segments boudés, notamment la Chine, les titres des matières premières et les actions de valeur, qui offrent les meilleures opportunités. En Chine, les bénéfices enregistrés durant la dernière hausse des cours ont été entièrement compensés entre-temps, et le marché est proche de sa valeur comptable. En règle générale, les investisseurs paient le double du prix pour ces titres. De même, le secteur des matières premières, et plus particulièrement les valeurs minières, est intéressant. Tandis que les cours des marchés des actions mondiaux ont progressé de près de 50% depuis 2010, les actions des entreprises minières ont perdu, en moyenne, autour de 65%. Leur cours est désormais inférieur à leur valeur comptable et les titres n’ont pas été aussi intéressants depuis près de 20 ans.

N. Keimling considère également qu’après avoir affiché une évolution inférieure à la moyenne ces sept dernières années, les « value » actions ont également regagné en attractivité. Depuis 1931, elles n’ont connu que six traversées du désert comparables. A chaque fois, les cours des actions d’entreprises présentant un chiffre d’affaires et des bénéfices solides ont connu une longue phase de développement proportionnellement plus élevé. Il recommande de diversifier largement les investissements à l’échelle mondiale, de sous-pondérer le marché américain et surpondérer les titres européens, d’ajouter – à titre anticyclique – des actions des pays émergents et des matières premières en se concentrant sur des entreprises ayant fait leurs preuves sur le plan opérationnel.

Il est presque impossible de reproduire des stratégies aussi ciblées au moyen de produits d’investissement passifs. En raison de la composition des indices, les Exchange Traded Fund (ETF) comportent trop d’actions d’entreprises faibles, titres que les investisseurs «Value» veulent éviter. De plus, un grand nombre d’indices mondiaux sont trop fortement axés sur les grands marchés. Les ETF appliquant une stratégie de style ne sont pas en mesure de capter les primes de valeur sur les marchés et diluent les surplus de rendement possiblement atteints en choisissant des actions individuelles.

Doutes sur les valeurs stratégiques
 

Pour ce qui est des fonds et certificats stratégiques, donc des stratégies Smart Beta, reste à voir s’ils tiennent leurs promesses. Certaines études mettent même en doute leur capacité à générer une plus-value. L’article «How smart are Smart-Beta-ETF», publié par Denys Glushkov de l’University of Pennsylvania, contribue à ce douloureux constat. Les sceptiques ne seraient d’ailleurs pas surpris qu’un grand nombre des stratégies factorielles nouvellement introduites serve davantage les intérêts économiques des prestataires que la performance des investisseurs.

Les stratégistes d’UBS recommandent, pour les périodes durant lesquelles tant la croissance que la hausse des intérêts pourraient susciter des craintes, de veiller à une large diversification des classes d’actifs même si cette diversification devait ne plus toujours remplir son habituelle fonction stabilisatrice. Pour un horizon de placement tactique à six mois, ils considèrent les obligations à haut risque d’entreprises européennes comme intéressantes en raison du programme de rachat de la Banque centrale européenne. Par ailleurs, ils surpondèrent les actions des entreprises européennes et japonaises, la politique monétaire leur apportant un important soutien. A l’inverse, ils sont sceptiques à l’égard des placements sur les marchés émergents.

Globalement, au regard de la faiblesse des taux et de la performance à long terme, il ne semble pas exister d’alternative aux placements en actions – à condition de se montrer sélectif.

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