Monika Walser

Quelle ne fut pas la surprise de Monika Walser lorsqu’une demande en provenance de Dubaï atterrit sur son bureau: un client souhaitait une version spéciale du sofa non-stop DS-600 avec des pieds en or. La fabrication spéciale ne posait pas de problème: elle fait partie du quotidien, mais la responsable s’est étonnée que quelqu’un souhaite investir dans un détail que l’on ne voit pas a priori. En effet, les pieds de ce canapé iconique sont pratiquement invisibles, cachés sous le sofa. Monika Walser fit demander au client s’il était bien certain de son choix. Elle se souvient de sa réponse avec un sourire amusé: «Le client nous a expliqué qu’il était sûr de lui. Il avait l’intention de placer le sofa sur un immense miroir qui mettrait parfaitement en valeur les pieds en or.»

Cette histoire illustre ce que la responsable de de Sede considère comme primordial avec les clients étrangers: le respect et l’écoute. Chez de Sede, l’exportation bénéficie d’une longue tradition et est due, en partie, à James Bond: les meubles de Sede plaisaient tellement au réalisateur du film «Au service secret de Sa Majesté» qu’il décida d’utiliser un canapé DS-600 pour le tournage réalisé sur le Schilthorn en 1969. Après ce début de carrière éblouissant, d’autres meubles de la marque suisse de luxe ont équipé de nombreux épisodes de James Bond. Le DS-600 est aussi très en vogue chez les stars, notamment Tina Turner ou Jane Fonda. On dit même que Mick Jagger en possède 20 exemplaires. Le dernier film dans lequel il apparaît n’est pas encore sorti sur les écrans: dans «Wonder Woman 2», actuellement en tournage à Londres, un DS-600 argenté joue un rôle important.

Dans un shop in shop: au 3e étage du grand magasin de luxe Harrods, de Sede vend sur 220 m2 des modèles classiques, des icônes du design ainsi que des nouveautés.

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Les meubles sont fabriqués à la main par des artisans expérimentés.

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Les spécialistes de l’entreprise s’assurent que seul du cuir de première qualité est utilisé. Il est ensuite stocké dans des conditions adéquates, puis transformé avec le plus grand soin par des artisans enthousiastes, compétents et expérimentés.

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La planification minutieuse de la découpe fait partie du processus de production: seul un œil humain habitué à repérer les moindres détails est capable de déceler les irrégularités du cuir et de les intégrer harmonieusement dans le meuble en question.

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Le rembourrage, réalisé avec des matériaux au goût du jour tels que la mousse, la gaze ou la ouate, nécessite de solides connaissances et une longue expérience dont chaque meuble de Sede sera le reflet.

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La fabrication des meubles se termine par des coutures précises, en partie réalisées à la main, qui garantissent un aspect visuel parfait et une durée de vie exceptionnelle.

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Mais les temps n’ont pas toujours été si roses: lorsque Monika Walser a été placée à la tête de l’entreprise par un groupe d’investisseurs en 2014, cette dernière était dans la tourmente. Passionnée de régates, la CEO s’est investie corps et âme pour l’entreprise, elle a réduit les coûts et pris quelques décisions inconfortables. Aujourd’hui, Oel-Pool AG en est actionnaire majoritaire, et Monika Walser détient elle-même 10% des parts. «Si de Sede se trouve aujourd’hui dans cette situation, c’est parce que nous travaillons tous avec passion et sommes prêts à nous surpasser», ajoute-t-elle, reconnaissante.

La consécration est arrivée cet été. Depuis juillet 2018, la marque est présente dans le plus célèbre magasin du monde, Harrods, à Londres. C’est, de surcroît, la première fois qu’un fabricant de meubles suisse y parvient. Dans un shop in shop exclusif de 220 m², de Sede met en scène ses meubles fabriqués en Suisse. «Harrods nous a demandé si nous étions intéressés. Cela nous offre bien sûr un environnement passionnant: 80% des clients de Harrods sont des touristes du monde entier», explique Monika Walser. On ne peut pas encore dresser de bilan, mais la couturière de formation est ravie d’exposer toute la gamme de de Sede dans le grand magasin britannique, des modèles classiques à ceux de la collection actuelle. «Nous avons désormais atteint une taille et une capacité suffisantes pour mener à bien ce genre de partenariat.»

Se fier à une banque partenaire

Pour une entreprise comme de Sede, où les exportations jouent un rôle majeur, s’appuyer sur une banque partenaire telle qu’UBS pour le traitement des paiements et les comptes en devises étrangères va de soi. Les clients sont habitués à payer en euros, en dollars, en livres sterling ou en francs. L’entreprise rencontre rarement des problèmes avec des devises exotiques ou des mauvais payeurs, car elle applique une stratégie stricte de prépaiement pour les clients en dehors de l’Europe ainsi que certains pays européens. La moitié du prix de vente est due à la commande, l’autre moitié à l’expédition.

Les collaborateurs sur place sont, si possible, des natifs.

De Sede emploie des commerciaux dans les pays d’exportation traditionnels comme l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la France, le Luxembourg et les États-Unis. Un collaborateur est chargé de la prospection dans les nouveaux pays européens. Il est également important d’être présent dans les régions que l’entreprise souhaite conquérir, notamment les Émirats arabes unis, l’Inde et la Chine. «Il faut que les collaborateurs sur place – des natifs si possible – connaissent la langue, la population et la culture et qu’ils disposent d’un réseau, sinon ça ne fonctionne pas», souligne Monika Walser. Tous ont été formés aux produits sur le site de production de Klingnau et ont vu de leurs propres yeux comment des experts fabriquent, en grande partie à la main, les fauteuils, les sièges, les canapés et, depuis peu, les sacs de Sede. «Nous entendons développer notre marque en y apportant de la joie et de la passion.» Des échanges téléphoniques ont lieu chaque semaine, et des visites réciproques sont organisées régulièrement afin de rester au fait de l’actualité.

Équité et ouverture d’esprit

Avant d’exporter dans un pays, ce dernier doit répondre à de nombreux critères concernant la population, la culture, la situation politique et financière: par exemple, l’intérêt pour les produits de luxe et les meubles design. «Nous n’exportons qu’à destination des pays dont nous sentons qu’ils respectent les principes éthiques fondamentaux», poursuit Monika Walser, titulaire d’un MBA en management et éthique. C’est également un élément important pour que les collaborateurs se sentent bien sur place et qu’ils puissent travailler dans un environnement positif. L’équité et l’ouverture d’esprit sont pour elle deux conditions indispensables à une bonne collaboration. Les négociations doivent être la rencontre d’êtres humains, pas seulement d’un fournisseur et d’un client. Monika Walser l’a constaté en particulier au Japon et en Inde. «Chez nous, le respect de l’être humain disparaît très souvent. En Occident, nous voulons avant tout faire des affaires, mais dans de nombreux pays, c’est la relation qui est déterminante», explique-t-elle avec fermeté. Dans les pays arabes, elle a toujours été respectée et n’a jamais subi de préjudice ni de situation dangereuse en tant que femme dans un monde d’hommes. Le Japon est le seul pays où une femme prenant elle-même des décisions dans le monde des affaires reste assez rare.

Nous exportons vers les pays qui ont une éthique.

Mais même lorsqu’on est attentif, il peut y avoir des malentendus culturels. C’est ce qu’a constaté Monika Walser lorsque de Sede a de nouveau lancé un petit éléphant en cuir pour sa gamme. Il est fabriqué dans la même matière que de nombreux canapés, un cuir de buffle de cinq millimètres d’épaisseur – le signe distinctif de la maison. L’animal devait indiquer que le cuir utilisé pour le nouveau fauteuil dessiné par Alfredo Häberli était aussi épais que la peau d’un éléphant. Malheureusement, ce message a été mal interprété dans les pays asiatiques tels que le Japon. Là-bas, on a cru que de Sede utilisait effectivement la peau des éléphants, ce qui a entraîné des réactions indignées. L’entreprise s’est vue contrainte de retirer les petits éléphants en cuir des pays concernés. Pour Monika Walser, cet exemple illustre clairement à quel point il faut observer et connaître les autres cultures pour y développer de bonnes relations commerciales.

Les différences culturelles impliquent également une variété de modèles de canapés. Parfois, l’équipe de Sede s’étonne des couleurs des fabrications spéciales, par exemple de ce fauteuil en forme de gant de boxe, réintégré dans la gamme de l’entreprise. Pour le roi du Maroc, de Sede a fait broder les armoiries du pays sur plusieurs fauteuils. L’entreprise réalise aussi fréquemment des agencements intérieurs de yachts de luxe. En règle générale, plus un pays est chaud, plus les canapés de couleur claire sont prisés. Tandis que le Suisse moyen achète en majorité des canapés marron foncé ou noirs, les consommateurs des pays arabes ont tendance à trouver plus élégants les meubles en cuir clair. Monika Walser: «Il existe de nombreuses raisons qui expliquent pourquoi un pays préfère certaines couleurs à d’autres. Dans les pays arabes, le soleil et la chaleur y sont sans doute pour quelque chose.»

L’entreprise de Sede en quelques chiffres

Les règles d’or des relations interculturelles

À faire

  • S’acclimater à l’autre culture, s’en imprégner, l’accepter et la comprendre pour ne choquer personne. Cela nécessite du temps et de la patience.
  • S’informer précisément sur la situation juridique du pays: ne pas oublier les questions de douane ou d’impôt sur le luxe.
  • Beaucoup de clients étrangers apprécient qu’on les «prenne par la main» pour régler les procédures d’importation: n’hésitez pas à les aider en fournissant des informations et des options à ce sujet. Ces connaissances font souvent défaut aux clients de pays dont on pense pourtant qu’ils sont tournés vers l’international.
  • Outre les règles formelles, les voies informelles jouent un rôle décisif au sein des associations, des autorités ainsi que des entreprises étrangères. Il faut les connaître et les utiliser, ce qui nécessite du temps et de l’intuition.
  • Procurez-vous également des informations sur les associations et les concurrents suisses. Ils connaissent parfaitement les pratiques et parlent votre langue.

À éviter

  • Imposer sa culture et sa vérité aux autres pays – ce serait arrogant. «Oui» ne veut pas toujours dire «oui», il signifie parfois «peut-être» ou «pas encore», sans que l’on puisse parler de mensonge. Il ne suffit pas de tenir compte du contenu, il faut également savoir interpréter le comportement des personnes.
  • Le point de vue selon lequel seuls les Occidentaux sont compétents.
  • La langue anglaise donne une impression de familiarité, ce qui ne signifie pas que l’on est familier des coutumes. Dans le cas contraire, on court le danger de ne pas percevoir les différences culturelles.
  • L’étroitesse d’esprit – si vous n’êtes pas ouvert à d’autres cultures, vous allez vous heurter à des oppositions inutiles.

L’entreprise de Sede en quelques chiffres

La société de Sede fabrique chaque année 10 000 meubles qui sont exportés dans 69 pays. Elle emploie 110 collaborateurs dans le monde. La production est réalisée par l’usine de Klingnau, en Argovie. Depuis sa création en 1962, l’entreprise a imaginé plus de 500 modèles. En juillet 2018, de Sede a ouvert un shop in shop chez Harrods, le grand magasin de luxe londonien.

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