Que s’est-il passé?

Les actions tout comme les obligations se sont inscrites en baisse mardi, plombées par les craintes de nouvelle hausse des taux, la faiblesse des résultats des entreprises et les tensions géopolitiques.


Le S&P 500 a cédé 2% dans un contexte de baisse généralisée. Après les bons chiffres des ventes de détail (corrigées des variations saisonnières) de janvier, publiés la semaine dernière, qui avaient laissé apparaître une certaine résilience des dépenses de consommation aux États-Unis, les résultats de la grande distribution ont laissé entrevoir des perspectives moins réjouissantes. Home Depot prévoit ainsi une contraction de ses bénéfices d’environ 5% cette année, alors que le consensus tablait sur une légère hausse. Walmart a également fait part de prévisions de bénéfices inférieures aux attentes.


Lors de la séance de mardi, qui suivait le jour férié de President’s Day, les craintes que la Réserve fédérale (Fed) ne soit contrainte de relever davantage les taux et de les maintenir à un niveau relativement élevé sur une période prolongée ont semblé l’emporter dans l’esprit des investisseurs. Les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans ont augmenté de 14 points de base (pb) à 3,95%, signant ainsi un nouveau record sur l’année. Les futures sur les fonds fédéraux suggèrent désormais un taux d’intérêt maximal à 5,37% pour juillet, soit une hausse de 6 pb, tandis que le taux implicite pour décembre a atteint 5,19%.


Alors que le président américain Joe Biden en visite en Europe a promis un soutien supplémentaire à l’Ukraine, les tensions géopolitiques restent élevées. Mardi, le président Vladimir Poutine a déclaré que la Russie suspendait sa participation au traité New Start, qui limite le nombre d’ogives nucléaires stratégiques que les différents pays peuvent déployer.


À quoi nous attendons-nous?

Le sentiment du marché continue d’être dicté par les attentes concernant l’atterrissage («brutal» ou «en douceur») de l’économie américaine.


En janvier, les actions et les obligations avaient gagné du terrain sur fond d’espoir d’un atterrissage en douceur, alimenté par les signes de désinflation rapide, la révision à la hausse des anticipations de croissance mondiale et l’idée d’une interruption prochaine des relèvements des taux par les banques centrales. Les chiffres reflétant un marché du travail plus tendu que prévu et une persistance de la hausse des prix à la consommation aux États-Unis ont mis fin à la progression des marchés début février.


Dans un premier temps, les marchés actions ont semblé se focaliser sur la solidité à court terme de l’économie américaine, résistant relativement bien face à la forte révision à la hausse des anticipations en matière de taux directeur et de rendements des bons du Trésor américain à 10 ans. Toutefois, les signes de pression sur les résultats des entreprises, sous l’effet de la baisse attendue de la demande et de la hausse des coûts, en particulier du travail, ont fini par peser sur les actions.


Les anticipations en matière de taux directeur maximal de la Fed ont été relevées de quelque 50 pb depuis le début du mois de février, et les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans ont augmenté dans des proportions similaires. Le S&P 500 a cédé près de la moitié de ses gains de l’année. Les anticipations du marché concernant le taux maximal des fonds fédéraux sont désormais supérieures à l’estimation médiane des projections de décembre de la Fed, laissant présager un relèvement des prévisions de la Fed lors de la réunion du FOMC de mars.


Les combinaisons possibles en termes de trajectoires de croissance et l’inflation qui accompagneront l’atterrissage de l’économie sont nombreuses et variées. Il semble néanmoins pratiquement acquis qu’en 2023 la croissance et l’inflation américaines reculeront par rapport à leurs niveaux actuels, la principale incertitude étant l’ampleur du recul. L’analyse historique montre que, lorsque la croissance et l’inflation sont en baisse, les obligations de haute qualité se comportent généralement bien, alors que les actions et le crédit relativement risqué dégagent une performance faible, voire négative.


Pour ce qui est des tensions géopolitiques, selon la presse, les États-Unis ont mis en garde la Chine contre la livraison d’armes à la Russie. Pour notre part, nous pensons que la Chine va plutôt proposer un plan de paix. À ce stade, les États-Unis devraient cependant avoir du mal à accepter un tel plan, le président Biden venant tout juste de réaffirmer son soutien à l’Ukraine.


Comment investissons-nous?

Les marchés oscillent entre deux scénarios, celui d’un atterrissage brutal et celui d’un atterrissage en douceur. Les actions se négocient largement au-dessus de leurs plus bas d’octobre, mais manquent de catalyseur pour grimper beaucoup plus haut.


Dans notre rapport Year Ahead, nous affirmions que l’année 2023 serait marquée par des retournements en matière d’inflation, de politique monétaire et de croissance. Nous continuons de percevoir l’année ainsi. Toutefois, comme nous l’avons déjà souligné, en début d’année, les marchés ont fait preuve de trop de précipitation en misant sur un atterrissage en douceur.


Le repli d’aujourd’hui nous conforte dans l’idée que la sélectivité s’impose dans le contexte actuel, et notre positionnement en est le reflet. Nous misons sur une combinaison associant des valeurs défensives, des actions value et des titres porteurs de revenus, qui devraient surperformer dans un contexte d’inflation élevée et de ralentissement de la croissance, ainsi que des valeurs cycliques, qui devraient bien se comporter si (et au moment où) les marchés commenceront à anticiper les retournements.


Aux États-Unis, les obligations d’entreprises investment grade et de haute qualité figurent donc parmi nos classes d’actifs préférées (opinion «most preferred»). Toujours sur le marché américain, nous restons en revanche à l’écart des actions et des obligations d’entreprises à haut rendement (opinion «least preferred»). Nous leur préférons les actions des marchés émergents et les actions allemandes, qui présentent des valorisations plus attrayantes et qui devraient bénéficier d’un retournement plus précoce de la croissance en Chine et en Europe. Selon nous, les actions value devraient surperformer les valeurs de croissance compte tenu des craintes de persistance de l’inflation et de hausse des taux d’intérêt. De plus, une certaine exposition défensive nous semble s’imposer étant donné les risques pesant sur l’économie américaine.


Les événements géopolitiques ont généralement un impact de courte durée sur les marchés financiers. En revanche, la guerre en Ukraine, débutée il y a un an, continue à avoir des conséquences importantes et de long terme sur les aspects sécuritaires. Les États et les entreprises devraient, selon nous, accorder de plus en plus la priorité à la sécurité et à la fiabilité de l’approvisionnement par rapport aux considérations de prix et d’efficacité. Ce contexte s’accompagne d’opportunités dans les matières premières, les technologies vertes, l’efficacité énergétique, les rendements agricoles et la cybersécurité.