Matthias Schranner
Matthias Schranner, Image: ZVG

De nos jours, la négociation est un art que les personnes exerçant des fonctions dirigeantes doivent maîtriser. Comment résoudre des conflits d’intérêts, négocier de bons prix ou voir ses rendez-vous clients couronnés de succès? Si la plupart des gens négocient de manière purement intuitive au quotidien, les négociations stratégiques gagnent en importance dans le monde professionnel.

«Négociator»

En tant que véritable gourou de la négociation opérant dans le monde entier, Matthias Schranner sait exactement ce qui importe le moment venu. Il est d’ailleurs une référence en la matière: il est intervenu pour le compte du gouvernement allemand lors de prises d’otages et d’enlèvements, et a conseillé l’ONU, les politiques et quantité de grandes et petites entreprises. Originaire de Munich mais résidant à Zurich, Matthias Schranner est le fondateur et patron du Negotiation Institute dont le siège est à Zurich. Il compte des bureaux à Hong Kong et à New York, et emploie quarante personnes. Il est en outre chargé de cours de négociation à l’Université de Saint-Gall (Certified Global Negotiator CGN-HSG) et a publié plusieurs guides conseils.

Avant même la négociation, il faut se mettre dans la peau de son interlocuteur, et sans cesse vérifier ses hypothèses au fil de la négociation.

Matthias Schranner a appris son art en tant que fonctionnaire de police au sein de l’Office fédéral de police criminelle de l’Allemagne et a notamment été formé par le FBI aux «négociations les plus délicates». «Une négociation est un processus répondant à un schéma bien précis. Connaître ce schéma, c’est en connaître les dangers et savoir les désamorcer à temps», explique Matthias Schranner. Et d’ajouter qu’une négociation n’est pas une affaire d’intuition ni de sorcellerie. «Le succès d’une négociation repose sur une bonne préparation, l’expérience et la parfaite connaissance des schémas de négociation.»

Une bonne préparation est le b.a.-ba

Les erreurs sont fréquentes lors de négociations. «La plupart du temps, on sous-estime l’adversaire et même la complexité de la négociation.» Selon lui, nombre de négociateurs anticipent trop peu leurs propres intérêts et absolument pas les objectifs de la partie adverse. Résultat: on aboutit souvent à des solutions à court terme se révélant peu satisfaisantes après coup. D’où l’importance de bien préparer la négociation, insiste Matthias Schranner. «Avant même la négociation, il faut se mettre dans la peau de son interlocuteur, et sans cesse vérifier les hypothèses formulées au fil de la négociation.» Autre aspect clé: «En amont d’une négociation, un bon négociateur se penche sur les différentes options et alternatives: quelle attitude adopter si la négociation n’aboutit pas? Quelle est la marche à suivre lorsque le partenaire de négociation interrompt la séance et s’en va?»

Éviter les discussions de prix

Si l’on en croit Matthias Schranner, les attaques personnelles et les menaces à la limite de la légalité sont devenues le lot quotidien en matière de négociation. D’expérience, il sait que «dans de telles situations, les managers très impliqués à titre personnel réagissent souvent de manière émotionnelle, et donc erronée, puisqu’ils deviennent ainsi vulnérables». Les managers à fleur de peau adoptent rapidement une certaine position, laissant la partie adverse leur confier la conduite des négociations et réagissant de manière très émotionnelle aux attaques personnelles. «Un vrai faux pas», comme l'explique notre expert. Or, comment réagir lorsqu’un client vous propose, comme seule alternative: «10% moins cher ou le deal éclate»? Là aussi, il y a une solution: «Il ne faut pas se lancer d’emblée dans la discussion des prix, mais revenir sur l’aspect prestations, et plus précisément sur celles fournies, en les accroissant, le cas échéant.»

Le succès d’une négociation repose sur une bonne préparation, l’expérience et la parfaite connaissance des schémas de négociation.

L’art de la négociation varie selon les cultures

Comment trouve-t-il les managers suisses en matière de négociations? «Dans ce domaine, chaque culture applique d’autres règles et stratégies. Les nations ayant un long passé commercial, telles la Chine et l’Angleterre, savent depuis longtemps comment mettre en œuvre les stratégies les plus variées de manière flexible, alors que, en Suisse et en Allemagne, nous avons tendance à négocier de manière bien trop rigide.»

Et de préciser que, en Europe, les Néerlandais sont les meilleurs négociateurs – ils ont une approche ludique et savent être rationnels au bon moment. Pour Matthias Schranner, le terme de «dealmaker» a une connotation positive dans l’espace anglo-saxon tandis que, dans les régions germanophones, les conflits survenant au cours de négociations sont pris trop personnellement. «Nous avons ce besoin de nous dire: on va leur montrer de quel bois on se chauffe! Pas de ça avec nous!» tandis que, aux États-Unis, le processus est tout autre. Là-bas, on travaille sur la base de rôles, en séparant les personnes et le cadre de la négociation. Matthias Schranner l’explique ainsi: «Les gens sont infiniment gentils, mais sans pitié quand ils parlent affaires. Et nous prenons ça mal. Nous savons certes être fermes, nous aussi, mais basculons tôt ou tard dans le mode win-win. Et, du coup, nous nous sentons offensés personnellement, même une fois la négociation terminée.»

Donald Trump en est le meilleur exemple. «Au cours des 18 derniers mois, il s’est illustré par ses excès: un mur à la frontière du Mexique, l’excédent de la balance commerciale des Allemands et des Chinois, les contributions financières des Européens à l’OTAN et les négociations autour de l’ALÉNA.» Selon Matthias Schranner, il réussit toujours à prendre le contrôle de l’agenda et à mener ses adversaires par le bout du nez. Beaucoup s’en offusquent et prennent tout cela beaucoup trop au sérieux. Or, pour Donald Trump, ces déclarations sont symboliques et rien de plus qu’une entrée en matière pour négocier. Cela vaut aussi pour les nouveaux droits de douane qu’il impose à la Chine. En expliquant que ses prédécesseurs ont conclu de mauvais accords, il entame la première phase de négociation «à la dure». «À l’opposé, dans notre culture germanophone, l’esprit de la négociation est marqué par les convergences et les résultats à long terme.» Et Donald Trump a du succès. Un nouveau traité a été conclu avec le Mexique et le Canada.

Esprit de confrontation

Selon Matthias Schranner, lors de négociations internationales, l’ambiance peut aussi être à la confrontation. En particulier en Suisse, ce style est jugé malpoli. «Dans de telles situations, il faut, comme au piano, jouer toutes les touches.» Tantôt, faire patte de velours et voir loin, tantôt serrer la vis. Donald Trump parviendra-t-il à ses fins ainsi? «Il va soit échouer lamentablement, soit triompher avec les honneurs. Attendons deux ans et nous dresserons le bilan. Nous n’en sommes qu’au premier tour des négociations. S’il impose un nouvel accord ALÉNA, l’antitrumpisme pourrait prendre une dimension nouvelle.»

Pour en savoir plus sur Matthias Schranner et le Negotiation Institute, rendez-vous sur www.schranner.com.

Négocier avec succès

  1. Pas de «oui» ni de «non» en guise d’entrée en matière; cela bloque le débat.
  2. Ne proposer aucun compromis.
  3. Ne jamais céder. Toute concession unilatérale ne donne droit à aucune contrepartie.
  4. Vous ne devez pas ignorer les menaces. Mais minimisez ces déclarations et restez toujours factuel.
  5. Il faut jouer son propre jeu, pas celui de la partie adverse.
  6. Formulez des exigences pour créer un cadre de négociation.
  7. En cas d’échec, veillez à ce que la partie adverse ne perde pas la face.

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