La nouvelle étude IFZ sur les institutions de prévoyance contient des conclusions attendues mais aussi surprenantes sur les défis actuels et les développements futurs des fondations collectives et des institutions communes. Dans un entretien avec Brigitte Succetti, responsable Insurances & Collective Institutions d’UBS, l’initiateur de l’étude, le professeur Florian Schreiber, livre des précisions intéressantes sur les résultats.

UBS: Quel résultat de votre étude vous a le plus surpris cette année?

Florian Schreiber: Nous observons le marché des fondations collectives et des institutions communes depuis des années et en connaissons les évolutions. C’est pourquoi il n'y a guère d'énormes surprises. Mais cette année, nous avons été surpris par certains résultats que nous n'attendions pas.

Par exemple?

Florian Schreiber: Par exemple, nous avons été étonnés par les défis les plus importants ou par les principaux arguments de vente.

Dans l’étude, nous nous sommes intéressés à la vision intérieure subjective, plus précisément à ce que les fondations collectives et les institutions communes considèrent comme un défi particulier. Nous nous attendions à ce que les institutions de prévoyance soient principalement préoccupées par la situation difficile sur les marchés financiers ou par les faibles rendements sur les investissements à bas risque. Mais pas du tout: les fondations collectives et les institutions communes considèrent l’accroissement constant de la réglementation, les difficultés dans la recherche de spécialistes qualifiés et la mise en œuvre correcte des dispositions relatives à la protection des données en matière de cybersécurité comme leurs défis les plus importants.

Pour en savoir plus sur l’étude IFZ sur les institutions de prévoyance, cliquez ici

Comment expliquez-vous ce classement?

Florian Schreiber: Nous savons que de nombreuses caisses de pension d’entreprise doivent renoncer à leur indépendance, notamment en raison de l’accroissement de la réglementation; les ressources nécessaires sont déployées pour un nombre insuffisant d'assurés, de sorte qu’il n’est pas possible de réaliser des économies d’échelle. Il convient également de noter que certaines tâches sont tellement complexes qu’elles doivent nécessairement être confiées à du personnel spécialisé. Le système suisse de milice ne peut pas être professionnalisé librement, c’est ce qu’affirment notamment les fondations collectives interrogées à propos de leurs affiliations: elles ont souvent beaucoup de mal à trouver des représentants des employés qualifiés pour leur conseil de fondation.

Un entretien personnel est précieux

Contactez nos expertes et nos experts en caisses de pension, fondations collectives, assurances et institutions de prévoyance dans votre région.

D’accord, mais il paraît surprenant que l’évolution des marchés financiers soit considérée comme moins compliquée.

Florian Schreiber: Comme déjà mentionné, cela pourrait résulter de la différence entre une vision extérieure objective et une vision intérieure subjective.

Les fondations collectives définissent-elles d’autres priorités que les institutions communes?

Florian Schreiber: Pour les deux types d'institution, la réglementation est la première priorité: parmi les institutions communes, la moyenne est légèrement plus élevée avec 4,38 points sur 5, alors que les fondations collectives ont une moyenne de 4,12. L’année dernière, la moyenne s’élevait à 3,74 points, cet élément a donc gagné en importance.

Il existe des différences importantes en termes de taille. Les petites ICC avec un total du bilan inférieur à 1 milliard considèrent la réglementation comme leur plus grand défi, avec une évaluation moyenne de plus de 4. En revanche, les ICC moyennes (1-5 milliards) et grandes (plus de 6 milliards) ne considèrent pas la réglementation comme le défi le plus important.

Quel est alors le principal défi?

Florian Schreiber: La pénurie de main-d’œuvre qualifiée est la principale préoccupation des institutions de taille moyenne, et pour les grandes institutions c'est l'évolution des marchés financiers. En 2023, tous les segments ont considéré la situation sur les marchés financiers comme moins difficile que l’année précédente (ø 3,78 en 2023 et ø 3,94 en 2022).

N’est-il pas normal que les grandes institutions de prévoyance se préoccupent le plus des marchés financiers? Ceux qui possèdent beaucoup ont aussi beaucoup à perdre…

Florian Schreiber: Je pars du principe que les ICC avec une fortune de placement de plus de 10 milliards peuvent bénéficier de services de gestion d’actifs et disposent de collaborateurs spécialisés, ce qui leur permet de gérer les risques du marché financier de manière plus professionnelle, plus efficace et plus ciblée.

À propos de croissance et de stabilité financière: la croissance est-elle objectivement importante pour une institution de prévoyance?

Florian Schreiber: Absolument. Les institutions communes doivent pouvoir se positionner de manière attrayante sur un marché où règne la concurrence. Cela implique des économies d’échelle et des synergies, qui ne sont possibles que par la taille, c’est-à-dire par la croissance. La concurrence sans merci dans le secteur des ICC a rendu les clients plus exigeants. Or, il faut du temps et de l’argent pour satisfaire ces exigences.

La croissance et la stabilité financière sont-elles des contradictions inconciliables pour les ICC ou les deux côtés de la même médaille?

Florian Schreiber: Pour une institution de prévoyance, la croissance ne devrait jamais se faire au détriment de la stabilité financière, même si ce conflit d’objectifs est difficile à résoudre. La pression de la concurrence pourrait inciter les ICC à faire des compromis sur différentes prestations.

Vous mentionnez les économies d’échelle et les synergies. Quelle est pour vous la taille critique des fondations collectives et des institutions communes?

Florian Schreiber: Quelque 10 milliards de francs de fortune de placement. Selon la statistique des caisses de pension, seules 24 institutions de prévoyance sur 1389 atteignent ce seuil. La croissance n’est peut-être pas la plus haute priorité de toutes les ICC; pour les trois quarts des ICC de taille moyenne, elle revêt une importance moyenne à élevée, mais aucune institution ne la considère comme très élevée.

À quoi les clients potentiels prêtent-ils attention lors du choix d’une ICC?

Florian Schreiber: Nous avons posé la question différemment: «Qu’est-ce qui, selon vous, rend votre institution de prévoyance attrayante pour les nouveaux arrivants?» Tous les segments des ICC mentionnent les «interfaces en ligne pour les employeurs» comme deuxième caractéristique de différenciation la plus importante. Je trouve cela surprenant, car on essaie généralement de se distinguer sur les prestations de base, par exemple grâce à des placements à rendement élevé ou à des rentes stables.

Se pourrait-il que les clients potentiels demandent des outils en ligne spécifiques et, par conséquent, qu’ils pondèrent cet aspect de manière si élevée?

Florian Schreiber: C’est une explication possible. Au cours d’une année boursière difficile, il est compliqué pour la plupart des institutions de prévoyance de se distinguer par rapport à leur performance financière: le régulateur laisse peu de marge de manœuvre dans les stratégies de placement, et les ICC investissent souvent dans les mêmes fonds passifs et génèrent donc un rendement similaire. Du point de vue interne, des aspects tels que les interfaces en ligne sont donc importants afin de profiter de la marge de manœuvre pour un meilleur positionnement sur un marché où règne la concurrence.

Cela n'explique cependant pas pourquoi, selon votre étude, les ICC accordent moins d’importance à des performances comparables qu’à une interface en ligne.

Florian Schreiber: C’est exact. Mais avec des accès en ligne, une ICC peut souligner qu’elle tient compte des besoins des employeurs et des assurés. La situation devient toutefois problématique lorsque tout le monde souhaite se distinguer en utilisant le même élément de différenciation…

Votre étude 2023 a-t-elle apporté d’autres conclusions surprenantes?

Florian Schreiber: Il ne s’agit pas d’une conclusion inattendue, mais le rôle des courtiers est toujours important: 37% des ICC misent exclusivement sur les intermédiaires pour les nouvelles affaires. En revanche, environ 20% disposent de leur propre organisation de distribution, et environ un tiers utilisent les deux canaux. La moitié des nouvelles affiliations des ICC ont été le fruit des intermédiaires. Les courtiers ne sont donc pas seulement importants, ils ont aussi beaucoup de pouvoir…

… et ils coûtent cher aux institutions de prévoyance professionnelle en honoraires et en commissions de placement… Pourquoi et comment les courtiers sont-ils devenus si importants pour les ICC?

Florian Schreiber: Les courtiers connaissent très bien le marché des ICC et fournissent un service important à leurs clients. Supposons qu’un employeur souhaite rejoindre une fondation collective ou une institution commune: comment doit-il procéder? À quoi doit-il être vigilant? Combien de demandes d'offres faut-il faire? À quelles ICC faut-il les adresser? À cela s’ajoute le fait que les offres sont différentes sur le plan du contenu et ne peuvent pas être comparées de manière précise sans l’assistance d'un spécialiste. D’où l'entrée en jeu des courtiers.

Les courtiers en tant que traducteurs donc?

Florian Schreiber: En quelque sorte. Les courtiers assurent la comparabilité des offres et représentent les intérêts du client potentiel dans les négociations. Le client doit, à son tour, pourvoir faire confiance au courtier pour être conseillé de manière compétente, ainsi que pour disposer d'une solution qui réponde de manière optimale à ses besoins. Un bon courtier examinera également de manière aussi neutre que possible les points faibles et les risques d’une solution de prévoyance.

Les institutions de prévoyance pourraient-elles être amenées à considérer des éléments tels que la performance, le risque de placement, le degré de couverture ou le taux d’intérêt technique comme peu attrayants car ils ne sont justement pas particulièrement attrayants? En d’autres termes, comment se portent les fondations collectives et les institutions communes en Suisse?

Florian Schreiber: La hausse des taux d’intérêt, l’inflation, la guerre en Ukraine et les turbulences sur les marchés financiers qui en ont résulté ont coûté beaucoup d’argent à la plupart des institutions de prévoyance. En 2021 par exemple, le taux de couverture de 84% de l’ensemble des ICC a été compris entre 110% et 125%. Fin 2022, à peine la moitié des ICC se situaient encore dans cette fourchette. Et beaucoup d’entre elles ont également largement épuisé leurs réserves de fluctuation.

Avez-vous identifié des différences entre les fondations collectives et les institutions communes en ce qui concerne le risque de placement, la performance et le degré de couverture?

Florian Schreiber: Entre les fondations collectives et les institutions communes, nous n’avons pas pu démontrer de différence significative sur le plan statistique; en revanche, il y en a une entre les institutions autonomes et les caisses semi-autonomes: pour les caisses autonomes, le degré de couverture est nettement plus élevé, mais aussi la fourchette des fluctuations tant à la baisse qu'à la hausse. Cela ne peut s’expliquer, en partie, que par le fait que les institutions autonomes ont un rapport nettement plus mauvais entre les actifs et les retraités que les institutions semi-autonomes.

Terminons si vous le voulez bien par jeter un œil dans la boule de cristal: où attendez-vous les plus grands changements, voire des surprises en 2024 pour les fondations collectives et les institutions communes?

Florian Schreiber: Nous, les scientifiques, nous basons sur nos conclusions statistiques, de sorte que j’attends d'ores et déjà avec impatience les évaluations de l’année prochaine.

Vers l’étude IFZ

Vous trouverez ici gratuitement l’étude IFZ de 68 pages «Institutions de prévoyance 2023» (disponible en allemand seulement).

Prof. Florian Schreiber

Prof. Florian Schreiber

Florian Schreiber a étudié dans des universités en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis. Depuis 2019, il est professeur à l’Institut für Finanzdienstleistungen Zug (Institut des services financiers Zoug, IFZ) et responsable de tous les thèmes spécifiques à l’assurance. Depuis 2021, il publie l’étude annuelle IFZ sur les institutions de prévoyance.

Brigitte Succetti

Brigitte Succetti

Responsable Insurances & Collective Institutions

Brigitte Succetti est responsable du suivi des fondations collectives et des assurances suisses dans le domaine des clients institutionnels. Elle est également responsable du conseil en matière de prévoyance professionnelle pour les entreprises et assure le leadership professionnel dans les fondations collectives et communes. Elle travaille chez UBS depuis 30 ans et bénéficie d’une grande expérience dans le suivi de différents groupes de clients exigeants. Brigitte Succetti est titulaire d’un Bachelor en économie d’entreprise et d’un CCoB.

Autres articles au sujet des produits et des services

Un entretien individuel, c’est toujours une bonne idée

Que pouvons-nous faire pour vous? Nous serions ravis de répondre directement à vos questions.