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Les taux d’intérêt ont augmenté à travers le monde le long de la courbe des rendements au cours des dernières semaines, les banques centrales ayant fait savoir qu’il était encore trop tôt pour crier victoire contre l’inflation. Lors de leur dernière réunion politique, certaines banques centrales ont relevé leurs taux, notamment la Banque centrale européenne, la Riksbank suédoise et la Norges Bank norvégienne. À l’inverse, d’autres, dont la Réserve fédérale américaine, la Banque nationale suisse et la Banque d’Angleterre, ont laissé les taux inchangés. Toutes ont toutefois tenu à rappeler qu’il faudra en faire davantage pour ramener l’inflation au niveau de leurs cibles. Elles sont donc prêtes à maintenir les taux aux niveaux actuels plus longtemps (voire à les relever légèrement).


Les hauts responsables de la Fed tablent désormais sur 50 points de base de baisse pour 2024, soit moitié moins que prévu auparavant. Le spectre de la récession s’éloignant aux États-Unis, les marchés ont également revu à la baisse leurs prévisions de baisses des taux directeurs américains en 2024, de 150 points de base début août à seulement 50 pb aujourd’hui.


Nous pensons depuis longtemps que le marché des actions se montre trop optimiste concernant les baisses des taux et la croissance économique, ce qui justifie notre positionnement neutre à l’égard des actions en général. Une Fed attentive aux données n’a aucun intérêt selon nous à se montrer laxiste vis-à-vis de l’inflation. Mais la fin imminente des hausses des taux et la perspective d’un ralentissement de la croissance avec le maintien des taux élevés plus longtemps nous confortent dans l’idée d’investir en priorité dans les obligations, notamment celles de qualité que nous conseillons pour plusieurs raisons.


Que l’atterrissage soit brutal ou en douceur, l’activité économique mondiale et aux États-Unis devrait ralentir l’année prochaine. S’il est fort probable que certains pays adopteront une politique budgétaire favorable à la croissance, l’ampleur de ces mesures de relance est difficile à mesurer et sera dictée par le contexte politique. Ces mesures de soutien devraient être éclipsées par l’impact négatif sur la croissance du maintien d’une politique monétaire restrictive. Les taux réels sont désormais positifs sur l’ensemble de la courbe, atteignant des niveaux que l’on n’avait pas connus depuis la crise financière de 2008. Les taux d’emprunt hypothécaires et des cartes de crédit sont également à leur plus haut niveau depuis plusieurs décennies. Les conditions d’octroi du crédit continuent de se durcir. Les obligations de qualité ont tendance à surperformer les actions dans les périodes de ralentissement de la croissance.


Le recul de l’inflation devrait doper le rendement réel des titres à revenu fixe, malgré le récent rebond des prix de l’énergie. Examinons les trois composantes de l’inflation: L’inflation des biens, l‘inflation du logement et l’inflation sous-jacente dans le secteur des services hors logement (inflation super-sous-jacente). Avec une demande qui se détourne des biens au profit des services et une diminution des contraintes qui pèsent sur l’offre, l’inflation des biens (PCE) a atteint -0,6% en juillet en glissement annuel. L’inflation des prix du logement a atteint un pic et devrait continuer de baisser. L’inflation des loyers n’a cessé de baisser depuis que la Fed a commencé à resserrer sa politique début 2022 et retrouve désormais des niveaux proches de leur moyenne d’avant la pandémie. L’indicateur officiel pour le logement devrait également enregistrer une baisse avec un décalage.


L’inflation super-sous-jacente devrait également continuer de ralentir. Le marché de l’emploi aux États-Unis se refroidit, mais moins vite qu’auparavant, en réponse au resserrement monétaire. Il y a fort à parier que la tendance se poursuive, car la Fed est déterminée à ramener l’inflation au niveau de sa cible, ce qui devrait l’inciter à maintenir une politique restrictive jusqu’à ce qu’elle constate une normalisation du marché de l’emploi.


Les rendements restent bien supérieurs aux niveaux d’équilibre à long terme. Nos prévisions à long terme reposent sur trois éléments. Le premier est le taux directeur neutre réel (ou r*). Il s’agit du taux d’intérêt théorique auquel une économie est à l’équilibre, lorsqu’elle affiche le plein emploi et que le taux d’inflation reste stable au niveau de la cible de moyen terme de la banque centrale (le plus souvent 2%). Les données des marchés ne permettent pas de se faire une idée du r*, ce qui donne lieu à de nombreux débats. Nous utilisons la prévision d’environ 0,5% de la Fed qui nous paraît la plus fiable. Nos prévisions tiennent également compte des anticipations d’inflation. Il s’agit des taux d’inflation moyens prévus par le marché. Si les marchés estiment que la Fed atteindra sa cible d’inflation de 2% à moyen terme, il semble raisonnable d’utiliser 2% pour cette composante. Si l’on additionne ces deux éléments, on obtient un taux directeur neutre nominal de 2,5%. Pour autant, les estimations basées sur le marché du taux directeur neutre nominal sont bien supérieures à ce chiffre, les prévisions actuelles à long terme concernant le taux au jour le jour oscillant entre 3,75% et 4%,


Le troisième élément est la prime de terme. Il s’agit d’un indicateur du surcroît de rendement qu’un investisseur exigerait pour détenir une obligation à plus longue échéance (par exemple, les bons du Trésor américain à 10 ans) plutôt que d’acheter consécutivement une série d’obligations de plus courte échéance (comme les bons du Trésor à 1 an) sur la même période. Historiquement, la prime de terme était positive: les investisseurs exigent d’être rémunérés en contrepartie d’investir dans des dettes assorties d’une échéance plus longue. Mais ces dernières années, la prime de terme était proche de zéro (voire en-dessous). C’est la conséquence des programmes des banques centrales, notamment l’assouplissement quantitatif, qui visent à réduire les coûts d’endettement à long terme de l’État en achetant des obligations à plus long terme tels que des bons du Trésor.


Les grandes banques centrales reviennent désormais sur ces programmes conçus pour les périodes de crise et vendent leurs bons du Trésor américain, notamment les dettes à plus longue échéance. La prime de terme pourrait donc augmenter, mais nous ne pensons pas que la Fed se résignera à la voire augmenter (tout comme les rendements des obligations) si cela compromet le fonctionnement ou la stabilité des marchés. Nous pensons donc qu’il est raisonnable de prévoir des rendements à long terme en partant du principe que la prime de terme sera nulle.


Par conséquent, nous continuons de préférer les obligations de qualité. Notre échéance préférée est comprise entre 5 et 10 ans; la stabilité des revenus et la plus forte probabilité de réaliser des plus-values nous semblent intéressantes. Nous sommes plus réservés à l’égard des obligations des marchés émergents et du haut rendement, ces classes d’actifs offrant un potentiel de surcroît de rendement limité au regard des risques supplémentaires encourus.